Le Brand content : un frein à la “crise de l’attention” ?
“Le secret du génie c’est l’attention” – Henri Boucher ; Les pensées, maximes et réflexions (1866)
L’attention est un processus cognitif plaçant la concentration sur une information particulière. La prépondérance de biens et de services sur le marché entraîne inévitablement la surreprésentation de ces derniers dans l’espace public pour les promouvoir. La crise de l’attention provient de la structuration de nos sociétés contemporaines qui tend vers une sursollicitation du consommateur. Le fait de communiquer sur un élément précis nécessite de tenir l’utilisateur en haleine. Dans ces conditions, comment tenir l’attention d’un individu dont la faculté cognitive est perpétuellement en alerte ?
Qu’est-ce que l’écologie de l’attention ?
Yves Citton, théoricien de littérature et philosophe, dont la réflexion s’intéresse à la thématique de l’attention, décèle dès les premières lignes de son essai, l’incapacité pour un individu à maintenir une solide concentration par sa sollicitation constante dans l’espace public. Ce champ d’action pour les marques, représente l’ensemble des espaces de passage et de rassemblement qui sont à l’usage de tous. Une personne lambda, pour se rendre de sa maison au travail sera susceptible de rencontrer une multiplicité de publicités ou plus largement d’informations tout au long de son trajet ( abri-bus, métro, panneaux…). L’espace public s’est étendu au numérique ce qui n’a fait que croître le phénomène de “matraquage”. Dans une société où l’on ne sait plus où donner de la tête, il est important de faire attention au monde qui nous entoure et de rejeter le “bruit” parasite. Si nous transposons ce principe à la science de la communication : à une époque où nous sommes bombardés par un trop-plein d’informations, il est essentiel de faire la part des choses et de dissocier une bonne information, d’une mauvaise. Entre en jeu, une notion très marquée médiatiquement : la “fake news” (désinformation). Elle représenterait l’essence du “bruit” parasite.
Le Brand content : un moyen d’enrayer la “crise de l’attention” ?
Le Brand content (contenu de marque) se révèle à une période où les individus sont lassés par la publicité dans sa forme traditionnelle et la rejettent, car ils y sont surexposés. Si l’on peut définir le Brand content de manière globale, c’est sûrement par les avantages qu’il apporte comparativement à la publicité. En effet, il se présente comme une véritable expérience pour le consommateur (Les 4 points clés du Brand content :
- La narration
- La stimulation
- La démonstration
- La co-création).
C’est la raison pour laquelle ce contenu retient l’attention du consommateur : par l’interaction qu’il créait entre l’annonceur et sa cible. C’est l’étendard par lequel les marques communiquent leurs valeurs et univers. Il fait appel aux émotions de l’individu afin que celui-ci adhère plus facilement à une marque. Plus globalement, ça permet d’instaurer un lien fort continu entre ces deux entités. Là où la publicité a un effet immédiat et une portée dans le temps généralement courte, le Brand Content vient s’ancrer dans la mémoire d’une personne par le biais de la stimulation et des sentiments pour y rester plus longuement. En conclusion, il s’agit d’un outil profitable pour les entreprises pour prendre la parole sans “surcharger” et précieux pour l’individu, car moins intrusif à ses yeux, quand il est utilisé raisonnablement.
Le Snackable content : vers des formats courts pour captiver l’attention du consommateur
Le Snackable content est une branche du Brand content. Il se caractérise par sa durée et part du postulat que plus un contenu est long et plus la possibilité de perdre l’attention de l’utilisateur est grande. Pour maintenir l’attention du lecteur, il faut donc viser juste avec un format plus court capable de maintenir la concentration étiolée du consommateur d’aujourd’hui. La limite du Snackable content est sa non-capacité à communiquer un nombre d’informations conséquentes. Dans une dynamique de production de contenus, il faut donc penser à faire varier formats court/long afin de ne jamais dénaturer le propos de fond par la forme.
Study case : Motherlondon pour KFC
S’inspirant des nouvelles tendances, le Snackable content se nourrit de la culture contemporaine et de ses codes afin d’être en parfaite cohérence avec le consommateur. On peut prendre l’exemple du Snackable content produit par l’agence MotherLondon pour KFC faisant la promotion du célèbre poulet du Colonel Sanders par le son que produit ce dernier quand il frit. Dans le cas énoncé, les créatifs ont associé cette sonorité à un bruit naturel d’une pluie ruisselante. Cette illusion “auditive” renforcée par les visuels est frappante d’autant que le format est court. En 15 secondes de contenu, KFC parvient à délivrer un message fort à ses consommateurs en inversant certains codes. En effet, la “Big idea” prend largement influence de l’ASMR, qui est le ressenti personnel d’un individu face à un stimulus visuel, auditif, olfactif ou cognitif. Cela confirme que le Snackable Content se positionne comme un format très intéressant pour toucher l’individu, car le contenu prend sens dans son quotidien par les codes qu’il engage et la longueur maintient son attention.
Les nouvelles tendances du marketing et de la communication se portent vers une “surproduction de contenus”. Le Brand content est un levier intéressant pour les marques par sa force à créer un univers autour de ces dernières pour les rendre plus attractives. Cependant, cette production de masse risque de perdre le consommateur dans un trop-plein d’informations.
Jérémy Taylor, Content Manager chez Quantum Advertising