INTERVIEW : Les trois conditions pour développer le marché du native advertising
Face au développement du native advertising depuis trois ans, l’IAB a émis des recommandations dès la fin 2014, en le définissant comme un format utilisant le design et l’ergonomie du site média, servi en dehors des emplacements publicitaires traditionnels. Est-ce suffisant quand on voit la diversité des pratiques et des formats ? Mickaël Ferreira, cofondateur et CEO de Quantum Advertising, estime qu’il faut aller plus loin et expose les trois éléments nécessaires au développement du marché et la création de valeur.
Ne pas tromper les annonceurs
Le native advertising prend de plus en plus de place dans les plans médias des annonceurs et l’année 2017 ne dérogera pas à la règle. Pour certaines régies ou sociétés spécialisées, il est tentant d’arborer l’étiquette native pour capter un maximum de budget ou l’attention d’investisseurs. Ces dérives sont dangereuses pour le marché car les formats non-natifs n’enregistrent pas le même taux d’engagement : il est courant de rencontrer des annonceurs déçus de leurs premières campagnes, car passé l’illusion des taux de clics initiaux, l’engagement réel peut décevoir. Il faut s’engager dans des stratégies de long terme.
Respecter l’internaute
Il faut également être clair avec l’internaute : le native advertising reste de la publicité. Il s’inscrit donc dans le cadre juridique qui s’applique aux publicités, que ce soit via la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) ou du code de la consommation, qui en substance imposent que toute publicité doit être clairement identifiée quelle que soit sa forme. Une conséquence : le caractère publicitaire d’un contenu de native advertising doit être clairement identifiable avec des mentions type “sponsorisé par…”, ou “proposé par…” La marque de l’annonceur doit également être visible, ce qui n’exclut pas une bonne intégration.
La plupart des acteurs respectent cette règle d’identification visant à différencier la publicité du contenu puisqu’elle est généralement imposée par les éditeurs. Le nom de la marque est donc alors clairement visible par le lecteur. Mais au-delà de cette désignation claire, il est important aujourd’hui d’encadrer l’expérience qui suit l’affichage. Car malgré cette impression de respect des règles imposées, il existe encore des dérives qui reposent principalement sur des mécaniques d’hybridation et d’intrusivité.
Malheureusement, cette hybridation va bien souvent de pair avec des pratiques intrusives pour l’internaute. Ne vous est-il jamais arrivé de vous retrouver face à une page en plein écran après avoir cliqué sur une publicité, et parfois même sans avoir cliqué ? Ou de devoir jouer au chat et à la souris avec un bouton “fermer” ou une croix loin d’être visible ? Ce type de pratique n’a pas lieu d’être avec un format natif puisqu’il va à l’encontre de la notion d’expérience et de non-interruption pour l’internaute. Elles ne visent bien souvent qu’à livrer des KPI insipides, qui plus profondément affecteront l’efficacité même des campagnes publicitaires et écorcheront l’image de marque de l’annonceur.
Normer la définition et les pratiques
Ces pratiques impactent directement les éditeurs ; tout d’abord de par l’adoption croissante des adblockers, en pleine explosion (environ 30 % des internautes en sont équipés en France, selon l’IAB) mais aussi en affectant les tarifications marché – au risque de créer de mauvaises habitudes d’achat et de provoquer une baisse des prix à moyen terme pour des éditeurs déjà en souffrance.
Il faut donc mieux encadrer le fond et la forme des publicités natives. Le format doit se borner à une définition stricte : c’est un format qui s’insère dans un flux de contenus éditoriaux, utilisant les éléments graphiques de l’éditeur, non intrusif et mettant en avant un message publicitaire fortement éditorialisé, servi dans un environnement de qualité.
Le native advertising ne doit pas servir de faire valoir à des pratiques nuisibles alors qu’il a tout pour permettre de revaloriser les emplacements publicitaires et de réconcilier les internautes et les marques via une approche plus éditoriasée et moins promotionnelle. Il est donc primordial de mieux normer et cadrer ces pratiques, avec l’IAB, les agences et les éditeurs, sous peine d’affecter l’efficacité publicitaire. Le marché en a cruellement besoin.
Mickaël Ferreira est président de Quantum Advertising